Comment êtes-vous venu à l'enseignement ?

C'était un projet de longue date. Je préparais une licence en histoire quand j'ai découvert l'animation. Travailler avec des enfants dans ce contexte m'a plu et j'ai été animateur dans des centres de vacances et de loisirs. J'ai terminé mes études puis j'ai travaillé comme salarié à plein temps dans ce secteur. Parallèlement, j'ai passé le concours de professeur des écoles en candidat libre. Je savais que financièrement l'enseignement pouvait m'offrir une situation plus stable que l'animation. Comme j'avais été reçu deux ans de suite aux écrits, j'ai pu intégrer un master 2. J'ai fait deux stages : une semaine avant Noël en maternelle, puis trois semaines en responsabilité avec la même classe. J'ai obtenu le concours en 2011, puis j'ai pris en charge des CM2 pendant un an.

 

Comment avez-vous vécu votre première « vraie » expérience d'enseignant ?

Elle a été très difficile. Je succédais à des remplaçants partis en dépression, les enfants avaient connu une période de retard entre deux vacances scolaires. J'étais stagiaire avec la pression de rater ma titularisation, il fallait terminer le programme qui est déjà impossible à finir lorsqu'on est un enseignant chevronné. J'ai pas mal tâtonné. Au début, on essaye des choses et quand ça ne marche pas, on recommence et donc on perd du temps. Heureusement, j'avais un très bon relationnel avec les élèves.

 

Vous êtes titulaire remplaçant depuis 2012. Dans le jargon de l'Education nationale, vous êtes un ZIL, un titulaire mobile affecté dans une zone d'intervention localisée. Comment vivez-vous cette situation ?

Je la gère plutôt bien. Les remplacements courts peuvent être déstabilisants mais ils ne me dérangent pas. J'ai des activités toutes prêtes pour tous les niveaux. La plupart du temps, le collègue laisse un document auquel je peux me référer pour savoir à quel stade se trouve la classe et décider des activités. Il n'y a pas de gros travail de préparation, tout est déjà prêt.

 

Quels avantages en retirez-vous ?

L'avantage est surtout d'ordre financier. On touche des primes quotidiennes lorsqu'on fait des remplacements en dehors de son école de rattachement, même si celle-ci se trouve à 200 mètres. Ces primes peuvent représenter une plus-value de 20% sur le salaire, ce qui est plutôt intéressant lorsqu'on connait la rémunération d'un enseignant et le coût de la vie en région parisienne. J'ai un autre avantage face aux enseignants qui n'ont pas obtenu de poste au mouvement et qui peuvent se retrouver sur une classe toute l'année suivante n'importe où dans le département. Comme ils ne sont pas titulaires de leur poste, ils devront obligatoirement reparticiper au mouvement l'année suivante. En conséquence, ils ne cumulent pas de point de stabilité sur un poste, alors que c'est le cas pour moi.

 

Et quels en sont les inconvénients ?

Comme on suit moins les élèves sur la durée, on ne peut pas mettre en place des projets pédagogiques longs. C'est moins épanouissant sur le plan professionnel. On doit s'adapter à chaque fois aux élèves, savoir rapidement prendre une classe en main. Je maîtrise assez facilement cet aspect-là grâce à mon expérience dans l'animation. Il faut aussi s'adapter très vite aux collègues et au fonctionnement de l'école.

 

Que se passe-t-il lorsque vous ne faites pas de remplacements ?

Je vais dans mon école de rattachement et je me mets à la disposition du directeur pour faire des tâches administratives, pour ranger des ressources pédagogiques. Par exemple, ficher des livres pour la bibliothèque, ranger la réserve, aider les collègues qui font passer des évaluations, etc. Mais il est très rare de ne pas avoir de remplacements. On connait surtout la situation inverse : un enseignant malade qui n'est pas remplacé, car nombreux sont les ZIL qui sont déjà sur des remplacements.

 

Vous avez alterné les remplacements en maternelle comme en élémentaire. Avez-vous une préférence ?

Je préfère l'élémentaire. En maternelle, il faut s'adapter aux âges des enfants, ils ont du mal à réguler leur temps de parole, ils parlent tous en même temps, ils sont très bruyants. Il faut énormément de patience. C'est très fatigant.

 

Qu'est-ce qui vous motive particulièrement dans votre métier ?

C'est le relationnel avec les élèves, les voir progresser, leur transmettre des savoir-faire et des savoir-vivre. C'est un métier très enrichissant : on apprend beaucoup sur les enfants et sur soi-même. Je considère qu'il est valorisant et je le perçois comme utile à la société.

 

Quelles qualités faut-il pour réussir dans le métier de professeur des écoles ?

Il faut être capable de gérer son travail seul car on est très peu encadré. Notre hiérarchie est très éloignée du terrain, on ne la voit pas souvent. Il faut donc avoir un grand sens des responsabilités face à sa classe, en particulier face à des situations d'urgence qui relèvent de la sécurité des élèves. Il faut être capable d'analyser sa pratique, savoir faire son autocritique pour améliorer ses méthodes d'enseignement, accepter qu'il n'y a pas de méthode miracle. Enfin, il faut être courageux. D'une part, face au travail non rémunéré qui s'ajoute au temps passé avec les élèves - cela peut aller jusqu'à 40 heures par semaine en élémentaire - et d'autre part, face aux critiques et à la non-reconnaissance de notre métier par les parents et notre hiérarchie.

 

Comment voyez-vous votre avenir ?

J'ai envie de faire carrière dans l'Education nationale, d'avoir une classe à moi, d'évoluer vers d'autres postes tout en restant en contact avec les élèves. Je songe également à enseigner à l'étranger et me renseigne pour conserver mon statut. Ce serait une expérience très enrichissante sur les plans personnel et professionnel car il y a différentes pédagogies à découvrir. Sinon, un professeur des écoles peut devenir formateur, enseignant spécialisé pour enfants en difficulté, évoluer sur les niveaux de primaire, travailler comme conseiller pédagogique en sport, en musique, etc. Ces évolutions sont possibles par concours interne. 

 

Encourageriez-vous un jeune à se lancer aujourd'hui dans l'enseignement ?

Oui mais à une condition : qu'il ait déjà été en contact avec des enfants, soit dans une école, soit dans le cadre d'une animation. Je le déconseille comme première expérience.